Rapports

Crédits d’impôt pour l’innovation au Canada

avril 2024
Bentley Allan, Derek Eaton, Moe Kabbara

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Cette semaine, une nouvelle série d’investissements est réalisée dans le secteur en pleine croissance des véhicules électriques (VE) au Canada, mais cette fois-ci avec une différence importante. Ce sera le premier au Canada à adopter une approche complète de la chaîne d’approvisionnement, en utilisant le nouveau crédit d’impôt fédéral pour l’investissement dans la chaîne d’approvisionnement des VE.

Le gouvernement fédéral contribue par des CTI d’une valeur de 2,5 milliards de dollars à ce projet de 15 milliards de dollars, qui verra Honda construire une nouvelle usine d’assemblage de véhicules électriques et une usine de fabrication de batteries à Alliston, dans l’Ontario. L’usine aura une capacité de production de 240 000 véhicules par an d’ici 2028. Dans le cadre d’une coentreprise avec POSCO, le constructeur automobile construira également une usine de production de matériaux actifs de cathode et de matériaux précurseurs (CAM/pCAM). En outre, Honda construira une usine de séparateurs en partenariat avec Asahi Kasei. Il s’agit d’un investissement non seulement dans les batteries, mais aussi dans le segment intermédiaire à haute valeur ajoutée de la chaîne d’approvisionnement des batteries.

Le fait de se concentrer sur la chaîne d’approvisionnement au sens large est une distinction importante du point de vue de la politique industrielle. En tant que secteur émergent et en évolution rapide, l’augmentation de la production de VE se heurte à un certain nombre d’obstacles. Les équipementiers tels que Honda ont besoin d’une certaine certitude quant à la disponibilité des batteries et donc de leurs composants avant de s’engager dans des investissements majeurs dans l’assemblage. De même, les producteurs en amont, tels que POSCO et Asahi Kasei, ont besoin d’une plus grande certitude que les investissements qu’ils réalisent dans de nouvelles capacités de production seront situés à proximité de leurs clients d’assemblage de VE. L’intégration verticale et les coentreprises sont des stratégies essentielles pour supprimer cette dynamique de la poule et de l’œuf et modifier l’économie du projet à chaque étape de la chaîne de valeur.

Le CII sur la chaîne d’approvisionnement des VE, récemment annoncé dans le budget 2024, reconnaît la nécessité d’encourager les investissements liés en amont de la chaîne d’approvisionnement. Sans exiger explicitement un contenu canadien, il incite les entreprises à inclure des matériaux intermédiaires et des composants de batterie fabriqués au Canada. Il s’agit d’une stratégie industrielle intelligente de la part du gouvernement. Elle marque un changement par rapport à une stratégie antérieure qui se concentrait uniquement sur l’aval. Si la fabrication en aval est favorable à l’emploi, les marges des usines de batteries seront réduites en raison de la surabondance d’usines d’assemblage à l’échelle mondiale. Cet investissement promet d’apporter une valeur ajoutée plus durable en amont.

Le crédit d’impôt pour la chaîne d’approvisionnement des VE permet de couvrir 10 % des coûts des bâtiments à différents stades de la chaîne d’approvisionnement : assemblage de VE, production de batteries et production de matériaux actifs de cathode (CAM). Cette mesure vient s’ajouter au crédit d’impôt pour la fabrication propre de 30 % pour les machines et les équipements, annoncé dans le budget de l’année dernière.

Pour pouvoir bénéficier du nouveau crédit d’impôt pour la chaîne d’approvisionnement des VE, un fabricant doit également demander le crédit d’impôt pour la fabrication propre dans les trois segments de la chaîne d’approvisionnement. L’un de ces segments peut être réalisé par l’intermédiaire d’une autre société dont le fabricant est au moins partiellement propriétaire. Cette nouvelle mesure vise clairement à encourager les investissements coordonnés tout au long de la chaîne de valeur.

Le travail de l’accélérateur de transition avec Accelerate, l’Association canadienne des métaux pour batteries et d’autres partenaires a souligné l’importance d’une telle approche, avec des incitations ciblées, pour s’assurer que le Canada capture une plus grande part de la valeur ajoutée dans la chaîne de valeur croissante des VE. Les investissements en amont de la chaîne d’approvisionnement sont essentiels pour fournir des signaux de marché qui atteignent encore plus loin la production et le raffinage des minéraux critiques et le traitement des métaux.

Les étapes intermédiaires du traitement des métaux et de la production des matériaux précurseurs des batteries sont les plus innovantes de la chaîne de valeur, où la R&D se concentre sur la recherche de gains d’efficacité, d’améliorations des matériaux, de réduction des impacts et de chimies alternatives pour les batteries.

Comme le souligne la feuille de route pour la chaîne de valeur des batteries au Canada, le Canada a le potentiel, en termes de ressources naturelles et de capacités industrielles (« pierres et cerveaux »), d’être un acteur majeur sur le marché des VE, avec des activités à tous les stades de la chaîne de valeur.
Le budget 2024 va plus loin que la simple reconnaissance de ce potentiel en fournissant également une incitation fiscale qui lie les investissements tout au long de la chaîne d’approvisionnement. L’annonce de l’investissement de Honda à Alliston illustre la pertinence de lier les incitations à différents stades de la production. La contribution fédérale s’élève à 2,5 milliards de dollars pour les deux CII, auxquels s’ajoutent des contributions provinciales supplémentaires de 2,5 milliards de dollars.

Selon le budget 2024, le CII pour les VE ne devrait coûter au gouvernement fédéral que 80 millions de dollars au cours des cinq prochaines années et 1 milliard de dollars entre 2029 et 2034, ce qui est relativement modeste par rapport à d’importantes subventions ponctuelles, qui peuvent également être assorties de conditions pour encourager des investissements ou des objectifs liés, tels que des exigences en matière de contenu local.

Cette nouvelle mesure représente une avancée positive dans la politique industrielle nette zéro du Canada. Il est possible d’aller plus loin. Par exemple, d’autres mesures ciblées sont certainement nécessaires pour l’exploitation minière et la transformation des métaux. Néanmoins, le nouveau CII pour la chaîne d’approvisionnement des VE représente une évolution bienvenue de la politique industrielle du Canada pour la transition nette zéro – une évolution conforme à ce que les principaux acteurs de l’industrie ont demandé, et également plus cohérente avec ce que nous comprenons comme une politique industrielle intelligente et moderne.
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